Depuis deux ans que je partage des témoignages de prématurité, j’ai appris que la souffrance et la culpabilité cohabitaient toujours avec une force incroyable, la force du bébé et celle des parents. Semra, pleine de douceur et d’humilité qui ne voulait pas trop parler d’elle… et qui au final a écrit le plus long témoignage de prématurité publié ici ! Merci à vous de la soutenir, par des mots, par des partages…. 

Je lui cède la place:

course des héros

2007 devait être une année parfaite !  5 ans que je suis avec mon homme. Je suis encore jeune, 20 ans, lui 26 ans, mais pourtant j’ai envie de projets, d’engagement…

Je me sens prête!

Mais cette année ne va pas être celle que j’imaginais…

Mai:  Je le sens au plus profond de moi et mon intuition ne m’a pas trompé :  un beau “enceinte” s’affiche.

Je partage cette joie avec mon homme au téléphone, certes çe n’est pas la plus belle façon de l’annoncer mais quand on a un mari routier, pouvoir communiquer autrement est rare. J’éprouve un merveilleux sentiment de bien être.

Juin. Nous nous marions et partons quelques jours, pour la 1ère fois en 5 ans 🙂

Mais on décide de raccourcir notre petite escapade en amoureux. Je ne me sens pas bien, j’ai mal au ventre et je saigne.

On me dit que je suis en début de grossesse, qu’ à ce stade, il n’y a rien à faire. Mon docteur décide alors de me mettre en arrêt. Je suis à 1 mois 1/2 de grossesse, en arrêt, et je pense qu’avec du repos je serais bientôt de retour au travail. Je compte bien montrer mon futur gros ventre à la terre entière 😉

Juillet. Je suis toujours en arrêt, je me sens bien, je me repose devant les feuilletons que M6 a la gentillesse de nous proposer tous les après-midi… 😉

Août.  La secrétaire refuse de me donner les résultats de ma prise de sang, car le docteur voudrait me les donner en mains propres.

Comme il est absent, on me demande de repasser. Je refuse ! Je ne partirai pas sans mes résultats, je veux savoir ce qui se passe ! Une de ses consœurs accepte de me recevoir. Elle me parle de chiffres mauvais, qu’il est fortement conseillé que je fasse une amniocentèse ! “Amniocentèse”… mais quel est ce mot ? Je rentre à la maison seule, triste et le coeur lourd.

On nous oriente vers la polyclinique où je rencontre le médecin qui procédera à l ‘amniocentèse. Durant le RDV je ne retiens que les risques:  fausse couche, interruption de grossesse…

Lundi 13 aout, je rentre dans une salle froide, nue sous une blouse. La sage femme me reproche de ne pas être bien épaisse, et il est vrai qu’on ne voit toujours pas le ventre que je voudrais montrer à la terre entière…  Je m’étais promis de ne pas regarder cette fameuse aiguille dont on m’a tant parlé , je reste fixée sur l’écran, je vois mon bébé mais aussi cette horrible aiguille qui se rapproche de lui, je manque de tomber dans les pommes. on m’avait dit que ça ne faisait pas mal. N’étant pourtant pas de nature douillette,… ouaw je la sens bien passer moi cette fichue aiguille. Ca doit être le “je ne suis pas bien épaisse qui me fait ça” 😉 La sage femme reste près de moi elle me murmure à l’oreille de ne surtout pas m’évanouir, qu’il faut que je reste consciente pour le bébé. Alors je tiens bon.

De longues journées d’angoisse suivent… 

28 août:  Tout va bien!  D’après les résultats, Bébé est en très bonne santé et  c’est le garçon tant désiré par mon mari!  Désormais, tout se passera bien…

Septembre. La joie fut de courte durée.Toxémie gravidique, pré-éclampsie, helps syndrome. J’entends pour la première fois ces mots qui me paraissent si barbares! Il me faut désormais un gynécologue spécialisé ainsi qu’ un endocrinologue car ma thyroïde se dérègle.

Bizarrement, je ne suis pas plus inquiète que ça. Je ne mesure pas les risques… On est en 2007, j’ai 21 ans, une grossesse c’est 9 mois. Et tout ira bien.

Mon nouveau gynéco date de la préhistoire, mais me rassure. Quant à l’ endocrinologue, il me donne un traitement, et tout ce que je retiens de ce RDV c’est que mon coeur bat très vite. TOUT VA BIEN!

Octobre. Les analyses sont une fois de plus mauvaises. La pré-éclampsie gagne du terrain.

A l’écho, on me parle de “Notchs” dans mes artères utérines, de “RCIU“. Des nouveaux mots à ajouter sur ma liste de mots barbares. Je découvre de nouveaux de risques, notamment celui que bébé arrête de grandir. Je dois revenir tous les 10 jours faire une échographie de contrôle, et un nombre incalculable d’analyses.

Novembre. Dernière échographie .Les fameux “Notchs” ne posent pour l’instant pas de soucis. Bébé grandit bien! Mais mes analyses sont de plus en plus mauvaises.

Je ne m’inquiètes pas, bébé grandit c’est tout ce que je retiens!

12 Novembre, je pars sereine à ma consultation gynécologique. Je n’ai enfin plus de nausées ! Et houra!,  je commence à avoir un petit ventre de femme enceinte. Bon ok enfermée à la maison, il n’ y a que moi et pas la terre entière qui peut l’admirer mais tant pis je ferais avec 😉

Bébé grandit. Lors de l’auscultation, le gynéco me demande si j’ai eu récemment des contractions. Mais qu’est ce une “contraction“? Tiens un nouveau mot barbare. Ca faisait longtemps. Je ne peux lui répondre… Je pensais bêtement que si mon ventre était dur c’est que bébé bougeait. Il me dit que mon col est modifié. Que désormais c’est repos strict à la maison. Oh! Ne vous inquiétez pas ça fait 5 mois que je  reste gentiment  sur mon canapé avec M6 comme seul lien social (je suis gâtée)

Il m’explique et me dit que si d’ici la fin de la journée j’en compte 5, je reviens le voir.

Bizarrement je sors presque sereine. Pourquoi? Est ce le fait que je ne prends pas vraiment conscience de la définition de tous ces mots barbares que j’entends depuis le début de ma grossesse? Est ce le faite que je crois bêtement qu’ aujourd ‘hui les femmes mènent tout simplement leur grossesse à terme? Je ne sais pourquoi j’ai minimisé les choses durant cette grossesse… Est-ce une façon de me protéger?…

En sortant, je décide de marcher jusqu’à la pharmacie en bas de ma rue. Je sens alors de grosses douleurs au niveau du ventre. Une “contraction”? Je sais juste que c’est douloureux, et que ça revient vite. Je rentre vite m’allonger mais ça continue … Je ne sais ni si ce sont des contractions, ni combien il y en a. J’ai de plus en plus mal et une nouvelle douleur vient d’apparaître au niveau de mon diaphragme. La tête me tourne et je suis seule. J’appelle la secrétaire du gynéco, qui me dit de me faire accompagnée le plus tôt possible avec un sac. Un sac? Ma grand-mère me conduit à la polyclinique, à l’étage grosse-pathologie. J’ai 17 de tension et je contracte toutes les dix minutes. On me parle de stopper le travail. Je ne comprends rien et commence à paniquer. Je suis a 6 mois de grossesse je ne peux pas accoucher  maintenant! On me perfuse pour arrêter le “travail”. On me fait une piqûre pour la maturité des poumons. Je suis complètement déboussolée. A ce moment, je crois que je n’ai toujours pas conscience DES risques. Quand mon gynéco arrive enfin, il m’explique que le travail s’est déclenché car je dois sûrement avoir un “utérus contractile” … oh un nouveau mot … barbare… 😉 Je suis désormais sous surveillance. inquiète, mais je me dis que désormais je suis hospitalisée,que je suis entre de bonnes mains, que j’irais au bout de ma grossesse…

Jeudi 15 Novembre, mes analyses sanguines et urinaires sont très mauvaises. La pré-éclampsie gagne énormément de terrain, mes reins vont mal, j’ai plus de 11g dans les urines. “11g”?

Pour moi ca ne veut rien dire. A cause du Helps syndrome mon foie est touché. Mon gynécologue préfère me transférer au CHU de Nantes. Je suis bien moi ici, juste à côté de la maison…. Mais une phrase de la sage femme résume toutes les explications: “Votre bébé est prévu pour Février mais vous ne passerez pas Noël avec lui dans le ventre”.

 A ce moment la, tout s’effondre. Je prends enfin conscience que MON bébé que j’aime déjà tant peut venir aujourd’hui, demain… . Qu’en 2007 une grossesse peut se compliquer, que ce n’est pas forcément 9 mois de bonheur … Je suis transférée en urgence au CHU de Nantes, prise en charge par une nouvelle équipe, accueillie par une batterie d’examens. Je vis très mal ce transfert, seule face à toutes ces mauvaises nouvelles. Un chiffre me reste ce jour là. “Votre bébé pèse 1kg500”. 1kg500!!! Il m’est  inimaginable de penser que je peux mettre au monde un bébé aussi léger!

Les jours suivants sont aussi durs moralement que physiquement. Mon état se détériore de jour en jour. Je n’arrive plus à m’asseoir, j’ai du mal à respirer. Je prends également conscience qu’un  jour de passé est un jour de gagné pour bébé”

Lundi 19 Novembre. Une gynécologue et sa bande de Grey’s Anatomy entrent dans ma chambre. “Madame vous allez accoucher aujourd ‘hui on va vous faire une césarienne.”

Je m’effondre, il est hors de question que l’on sorte mon bébé. C’est beaucoup trop tôt, je ne suis qu’à 6mois 1/2 de grossesse. ” Mais Madame vous vous en doutiez. Si nous ne sortons pas le bébé rapidement vous ne passerez pas la journée”.  ELECTROCHOC.  Peut -être que cette grossesse n’avait pas été la grossesse de mes rêves mais jamais je n’aurais pu me préparer à accoucher ainsi.

J’ai juste le temps d’appeler mon mari pour le prévenir qu’en début d’après midi on va me faire une anesthésie générale pour “sortir” notre bébé. Ce jours là il conduit sans faire aucunes coupures. Bien-sur c’est interdit mais comment dire à un homme loin de sa femme qui va accoucher dans les heures qui viennent  de respecter les règles… Il arrive juste pour me tenir la main avant que l’on ne m’emmène au bloc…

 

21 Novembre 2007.Je rencontre pour la 1ère fois mon fils. Quel choc! De le voir si petit, branchés de partout.

Et cette boite que l’on appelle “couveuse” qui nous sépare. Une rencontre si déchirante, remplie de tant de culpabilité. Mais comment j’avais pu lui faire ça! Moi! sa mère qui était sensée le protéger bien au chaud dans mon ventre durant 9 mois. J’avais échoué! Qu’est ce que j’ai pleuré ce jours là. On nous dit que ce jour si spécial “l ‘accouchement” on se sent mère dès que l’on prend son bébé dans ses bras. Je me souviens avoir demandé si c’était bien mon bébé qui était devant moi.Ne l’ayant vu sortir de moi il auraient très bien pu se tromper de bébé… Les seuls mot qui résument mon accouchement sont ” on m’a sorti mon bébé ” ” on me l’a arraché” …

 Les jours qui suivent sont ceux de nombreux parents confrontés à la prématurité… Cette épreuve si dure qui vous change à JAMAIS.

Je veille mon bébé tous les jours, sans me sentir mère pour autant. C’est si dur de créer un lien dans ces conditions… Mais je dois être là près de lui, c’est  mon devoir de maman.

Je n’oublierais jamais toutes ces peurs, ces angoisses, cette horrible solitude face à tout ce que je devais affronter seule près de cette couveuse. Mais je n’oublierais jamais non plus la première fois que j’ai passé ma main dans cette boite, cette maison qui remplaçait mon ventre, que je lui ai serré sa si petite main, que je lui ai dit que maman l’aimait tant, qu’elle était si désolée de n’avoir pu le garder au chaud. Que je l’aimais tant! La première fois que j’ai pu le prendre en peau à peau dans mes bras.Son 1er Noël, son 1er jour de l’An à l’hôpital. La sortie que l’on attend tant mais qui nous fait si peur …

 En Janvier 2008 mon fils est sorti de l’hôpital.

Il y a eu des urgences, des hospitalisations. Mais aujourd’hui, mis à part un traitement quotidien pour son asthme et ses bronchectasies ainsi qu’ un RGO il se porte bien. C’est un petit garçon de 6 ans plein de vie, sensible,passionné de dinosaures et de supers héros.

Et après deux autres grossesses très compliquées, il est l’heureux grand frère de deux petites soeurs de 4ans 1/2 et 20 mois.

2007:2014

 La prématurité de mon fils a été l’épreuve la plus dure que j’ai eu à vivre, mais elle m’a aussi apporté tant de choses. Dont une force immense, que je ne pensais avoir en moi.

 2007 une année certes pas parfaite mais  inoubliable”

  Ayant si mal vécu “cette horrible solitude” durant la prématurité de mon fils. Et après avoir rencontré SOS Préma mon association de Emoji♥Je me suis engagée en 2009 en tant que correspondante locale de l’association SOS Préma sur Nantes.

Ma prochaine action en tant que bénévole de l’association SOS Préma: courir le 22 juin 2014, pour SOS Préma lors de la Course des Héros, qui aura lieu au Parc de Saint-Cloud à Paris.

L’argent récolté servira à améliorer le confort des bébés prématurés et leur famille au seins des service du CHU de Nantes.

Le lien pour les dons: http://www.alvarum.com/semravervaeke

Merci de tout coeur. 

prématurité 6 ans plus tard

 

 

9 Commentaires

  • Stef 16 février 2014 à 10 h 11 min

    Et voilà ça recommence je chouine en imaginant ton cœur de maman déchiré par cette épreuve et une nouvelle fois je me rappelle la chance d’avoir été au bout de ma grossesse et meme un peu plus, certes pas idyllique non plus (diabète et un peu d’hypertension)…. merci pour ton joli témoignage qui déborde de courage et d’amour pour tes enfants et qui je suis sûre aidera d’autres parents à traverser cette épreuve….

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  • Virginie 16 février 2014 à 10 h 34 min

    Bravo c’est un bel engagement !
    Mon petit cousin à été un grand prématuré , il a maintenant 10 ans et à développé de grandes capacités. Il m’épate, lui si fragile il n’y a pas 2-3 ans….
    Bizz
    Virginie de http://blogdesmamans.blogspot.fr

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  • Spidermaman 16 février 2014 à 18 h 11 min

    J’ai ressenti chacun de tes mots, cette prématurité je l’ai aussi connu avec mes triplés nés trop tôt. Tout pareil, l’entrée à l’hôpital, la perte de repère, l’impression de ne pas avoir joué son rôle de mère, la sensation de ne pas “bien” créer le lien. Ce sont des héros. Vous aussi 😉 belle continuation et merci pour ce témoignage qui donne très envie en soutenir l’association.

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  • Hysterikfamily 17 février 2014 à 10 h 34 min

    Ce témoignage m’a retournée …. merci pour ce beau partage , cela a du être très dur vivre et il a surement fallu une force inimaginée pour aller de l’avant, ensemble …

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  • Oli 17 février 2014 à 18 h 04 min

    très beau temoignage qui me parle bcp vu que j ai moi meme accouché prematurement

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  • Vlynette 17 février 2014 à 22 h 38 min

    Encore un témoignage terriblement émouvant. Quelle force ont ces êtres minuscules !!!
    Bravo pour ton engagement ! Ton petit bonhomme est magnifique, sa maman aussi 🙂

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  • VERVAEKE Semra 19 février 2014 à 23 h 00 min

    Merci pour tous vos messages!!! ♥

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  • Taupin 9 novembre 2018 à 17 h 08 min

    Je lit régulièrement les post de maman bavarde, et là par hasard en lisant celui du jour sur le harcèlement scolaire, je tombe sur une photo qui m’interpelle, celle du fils de Semra, je clique donc sur ce lien et tombe sur cet article et sur le témoignage de Semra.
    J’ai eu le plaisir d’avoir rencontré Semra via l’association Sos Préma. Et là en lisant son témoignage, je suis bouleversée et je replonge dans mon parcours personnel de la prématurité de mon fils…
    Ethan, mon héros, ce battant , premier bébé prévu pour le 6 juin et qui m’a été arraché lors d’une césarienne en urgence le 26 février 2014 suite à un RCIU sévère et une rupture spontanée de la poche des eaux…
    L’épreuve la plus dure de toute ma vie, mais aussi avec du recul la plus belle, celle où je suis devenue maman d’un bébé plume extraordinaire !
    Aujourd’hui, 4 ans et demi plus tard, Ethan n’a aucun problème de santé, il est incroyable ! Quand il me fait un câlin, je le trouve tjrs tellement grand, et je me souviens de ce 1er peau à peau où il était si petit et si fragile…
    Il n’y a pas un jour où je ne pense pas à cette fichue prématurité… Mais aujourd’hui, avec du recul, je pense enfin à vouloir faire un autre enfant, en espérant pouvoir avoir un gros ventre cette fois ci, même si la peur que ça recommence me hante…

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    • Cynthia 23 novembre 2018 à 16 h 13 min

      Oh les jolies coïncidences de la vie <3

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