Le crayon

Il n’a pas écouté ma discussion avec sa soeur sur l’attentat de Charlie Hebdo, mon 4 ans. 

Il n’a pas écouté Niafette s’indigner :  ” S’ils n’aiment pas lire ce journal, ils n’ont qu’à pas l’acheter et puis c’est tout”. 

Il n’a pas écouté les explications sur les extrémistes qui déversent leur haine et qui galvaudent la religion. 

Il n’a pas regardé les images des rassemblements, de tous ces gens unis, le crayon levé vers le ciel. 

Il n’a pas écouté, pas regardé. Il était présent, mais à son habitude, il était parti dans un univers de jeux, concentré à creuser un trou dans la compote de pommes avec sa pelleteuse de cuillère. 

Il est comme ça, le niaf. Il passe des heures à construire un monde avec un bout de carton et une fourchette. 

Il n’a pas écouté, pas regardé. 

Mais en revenant de l’école, il a pris possession d’un crayon de papier abandonné sur la table. Il l’a glissé dans son immonde casquette Cars que je cache toujours et qu’il retrouve à chaque fois, et l’a embarqué dans la voiture pour aller chercher Papa. Il le tenait fort dans son petit poing fermé, son crayon de papier, pour mieux le protéger. 

Dans l’espace clos de notre voiture, il nous a expliqué que son crayon, ce n’était pas n’importe quel crayon. 

Son crayon à lui, c’était un crayon de papier magique. Un crayon qui dessine tout seul, sans que personne n’ait besoin de le tenir. Que c’était un crayon magique, parce qu’il allait mettre de belles couleurs dans la vie. Du rose sur les voitures, du rose sur les nuages, du rose partout dans le Monde. Du rose, parce que le rose, ça, c’est une zolie couleur, plus belle que le noir.

Il n’a pas écouté, pas regardé, mais il a entendu, il a vu. 

Il n’a pas écouté mais il a tout compris, mon fils. 

Il n’a pas vu, pas entendu, mais tandis qu’il re-dessinait un Monde plus coloré, plus gai, mes larmes ont coulé. Et j’ai repris un peu espoir. 

#JesuisCharlie

#IlEstCharlie

#NousSommesCharlie