J’ai lu le témoignage de Mireille, entre rires et larmes. Je me suis reconnue dans ce sentiment de rire, quoi qu’il arrive, de cacher la peur et l’appréhension derrière beaucoup de dérision, comme pour éloigner les nuages noirs. J’ai été émue, j’ai souri, j’ai vécu à fond ce témoignage… Et je remercie Mireille de tout mon coeur, pour ce magnifique texte…

J’en entends déjà qui vont crier au scandale, d’autres qui vont se retrouver dans ce que je vais écrire : je “remercie” la prématurité de mon fils, parce qu’elle m’a appris à vivre … pour de vrai 🙂

J’étais enceinte de mon 1er enfant, hormis quelques maux de femme enceinte (nausées, aigreurs, sciatique, …), tout se passait bien (ah tiens, encore bon nombre d’entre vous vont se retrouver dans cette phrase !).

J’en étais à 28SA et je souffrais depuis quelques jours une douleur musculaire à l’épaule. Je suis allée consulter mon généraliste pour voir ce qu’on pouvait faire, et par acquis de conscience médicale, il a pris ma tension, regardé mes jambes gonflées (à mes yeux, c’était normal de faire un peu de rétention d’eau, et puis, je n’ai jamais eu les jambes d’une danseuse, donc rien de choquant !). Il m’a annoncé une tension élevée, un peu trop, et a contacté mon gynéco qui m’a demandé de me rendre immédiatement à l’hôpital niveau 3 pas loin de mon domicile. Mes médecins ne m’en avaient pas dit plus, pour ne pas m’affoler. A ce moment-là je ne savais pas vraiment pourquoi j’y allais, je pensais à une simple écho de contrôle .

Là on m’a annoncé que j’allais rester hospitalisée jusqu’à la naissance de mon fils … 1er choc ! Je ne me voyais pas rester hospitalisée 3 mois ! Et vint la 2nde soufflante : mon fils allait naître au grand maximum d’ici 5 jours … Incrédulité, demande d’explications, rires (nerveux !) … et c’était parti pour la bataille contre la pré-éclampsie, puisque c’était de ça qu’il s’agissait.

Les injections de corticoïdes, les perfusions pour faire baisser ma tension farceuse, les prises de sang tous les matins, les 20kg d’eau engrangés en quelques jours, le RCIU de mon bébé, … A la grande surprise des médecins, j’ai tenu 15 jours au lieu des 5 annoncés au départ … et un matin, on m’a dégoté un oedeme pulmonaire (eh oui, il fallait bien que l’eau finisse par aller ailleurs que dans mes gambettes !).

Le temps de préparer le bloc, la péridurale, appeler en hâte le Papa pour qu’il puisse assister à la naissance de notre fils… et je continuais à blaguer et à rigoler, même les tripes à l’air … très bonne thérapie, le rire !!!

J’ai à peine entendu Dorian pleurer, un petit cri de souris … mais il avait réussi à émettre ce son, preuve qu’il était vivant, et qu’il allait se battre, qu’on allait se battre. Je n’ai pas pu le voir, il avait été emmené rapidement pour les soins d’urgence. Son papa faisait l’aller-retour entre la salle de soin jouxtant le bloc, et me tenait au courant de son état de santé. Moi, je planais à moitié (bénie soit la morphine !).

Je ne suis allée le voir que 2 jours après mon accouchement. Je me cachais derrière les douleurs de la césarienne. Aujourd’hui je sais que j’avais peur d’aller à la rencontre de ce bébé qu’était mon fils, et dont je ne me sentais absolument pas être la mère. Sentiment horrible à posteriori, quand la lumière se fait sur ce qu’on a vraiment ressenti. Se battre pour son enfant, pour aller le plus loin possible, pour le garder encore un peu au chaud, et ne pas ressentir le besoin charnel de le voir … tout ça, j’en suis convaincue, à cause de ce “non-premier regard” …

Puis il y a eu notre rencontre, mon doigt qu’il a serré si fort pendant 30 minutes… et ma 1ère blouse inondée par cette montée de lait !!! Le 1ere peau à peau, moment de bonheur intense où je pouvais enfin retrouver les sensations de mon tout-petit, comme lorsqu’il était encore en moi… Notre meilleure thérapie … Des heures et des heures, lui contre moi ou contre son papa… Des soignants à notre écoute qui effectuaient certains soins sans interrompre ces moments-câlins … Des moments magiques !

Dorian a eu un parcours exemplaire : une quinzaine de jours en réa, pareil en soins intensifs, et rebelote en unité kangourou. A peine une légère infection, et comme tous les prémas, notre lot d’apnées, de bradys, de “bêtises” …

Puis le retour à la maison, la découverte de notre enfant … Les joies et les craintes, surtout la nuit… Se réveiller, aller vérifier s’il respire encore … Et finalement apprendre à vivre ! Nous avions pris le parti de ne pas le mettre sous cloche, d’aller se promener avec lui comme un bébé “normal” (dans les limites du possible hein ! n’allez pas croire que nous le mettions dans les bras des passants dans les grandes surfaces 😉 ).

Et notre enfant a grandi, comme tous les autres, pas plus malade, pas moins non plus.

C’était en décembre 2007, Dorian est né à 30sa + 2 jours (très important les 2 jours !!!), il pesait 1kg040 et mesurait 36cm … Depuis, il a eu un petit frère (mis en route 11 mois à après sa naissance), qui lui est né à terme, sans soucis particulier durant ma grossesse, à peine un peu “petit” du haut de ses 2kg720 … Ça tombait bien ! Depuis Dorian, je trouvais les “gros” bébés pas très “esthétiques” 😉

Dorian a gardé quelques séquelles de sa prématurité : une légère atrophie sur une partie de son cerveau, qui a engendré une hémiparésie du côté gauche (manque de tonus musculaire) et une spaticité du membre inférieur gauche (son cerveau n’envoie pas les bons ordres à son mollet, du coup il marche sur la pointe du pied). Il a également développé une épilepsie, mais sans que ce soit forcément lié à sa prématurité. Il est suivi une fois par semaine par sa kiné, et porte une atèle pour marcher correctement.

C’est un petit garçon très malin, qui va entrer en grande section de maternelle (théoriquement, il ne devrait entrer qu’en moyenne section, vu qu’il aurait du naitre en 2008 au lieu de 2007), et très intelligent. Il ne sait pas courir ni sauter (du fait de ses séquelles neurologiques), mais il sait faire toutes les bêtises du monde (!), monter à poney, s’amuser, rire … et le rire, c’est vraiment une très bonne thérapie 🙂

J’ai longtemps culpabilisé d’être plus proche de son petit frère que de Dorian, puis je me suis rendue à l’évidence qu’on ne pouvait pas comparer le parcours de Dorian : grossesse tronquée, séparé de moi à la naissance, sans contact physique et visuel, et dont le seul touché se faisait à travers les parois de l’incubateur ; et le parcours de Trystan : grossesse à terme, accouchement par voie basse et sans péridurale (je voulais ressentir les douleurs de l’enfantement, pour savoir au moins une fois ce que c’était), l’avoir dans mes bras, sur mon sein, contre ma peau et à portée de bisous, à peine sorti de mon ventre …

Dorian et moi continuons à nous apprivoiser et à tisser ce lien qui ne s’est pas mis en place à sa naissance, et cela presque 5 ans après sa venue au monde.

Depuis, je me suis engagée en tant que correspondante locale de l’association SOS Préma dans mon département. Pour essayer d’apporter un peu aux autres parents ce qu’on m’avait apporté à moi durant mes moments de doutes. Pour faire avancer la prise en charge de nos tout-petits avec les équipes soignantes.

La prématurité a fait grandir chaque membre de notre famille …

Beaucoup de bonheur aux deux magnifiques chevaliers et à leur famille!

 

Et le ptit lien de la semaine, parce que c’est important de le rappeler: La marche des bébés, c’est ici, sur Facebook, avec un objectif de 3 000 “likers” pour la rentrée!

Ma page de collecte est ici, si vous avez envie de faire un geste, que vous ayez eu des enfants prématurés, ou pas… 🙂

6 Commentaires

  • Chez Pat' 6 août 2012 à 9 h 26 min

    C’est très touchant ce témoignage! J’ai rencontré une maman à qui il est arrivé exactement la même chose , mais pour son 2ème. Elle m’a dit qu’elle n’aurait pas fait de 2ème si ça lui était arrivé pour sa 1ère …. Alors bravo d’avoir surmonté cela et de ne pas avoir eu peur de lui donner rapidement un petit frère 🙂

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  • Vanessa 6 août 2012 à 10 h 28 min

    Merci pour ce joli témoignage!!! Saleté de pré-éclampsie… Un sacré combattant ce Dorian, très courageux. J’espère que les quelques séquelles de cette arrivée précipitée s’estomperont avec le temps. Belle continuation à lui et à toute votre famille.

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  • rosali 6 août 2012 à 20 h 05 min

    Un témoignage emprunt d’auto dérision mais tellement poignant merci pour le partage en tout cas !

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  • celine TBT 6 août 2012 à 23 h 44 min

    Saleté de pré-éclampsie. J’ai eu la même pour le naissance de ma première mais heureusement à 38 semaines. Pour le 2ème, je me suis battue comme une folle pour atteindre la fin de la semaine 36 (mon fils est né à 37 semaines et 1 jour). Félicitations pour votre courage et votre très joli témoignage. Et pleins de bonnes choses à vos 2 garçons pour le futur

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  • Maman louzoù 12 août 2012 à 16 h 38 min

    Encore un très beau témoignage !!!
    Très beau ces 2 loupiots 😉

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  • Maman Jenni 13 août 2012 à 23 h 39 min

    J’ai connu la pré-éclampsie, accouchement à 28s +6jrs, ma petite Zélie est aussi très intelligente et pleine de vie et c’est là l’essentiel, que nos enfants soient heureux!!!Merci beaucoup…apaisant pour moi de vous lire!!

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