Aujourd’hui, nous accueillons Maman est au Musée, qui est au moins aussi bavarde que moi 🙂 mais dont le témoignage est juste poignant. Du coup, pas de blablas de ma part 🙂

Retrouvez tous les témoignages de prématurité ici

Chapitre 1 – Naissance

Avoir un enfant prématuré. Est-ce que j’y avais pensé pendant ma grossesse ? Oui. Est-ce que j’y étais préparée ? Non.

Ma grossesse s’est plutôt bien passée, si ce n’est une grande fatigue de devoir m’occuper du plus grand. Pas de contractions à signaler. A l’échographie du 5ème mois, mon gynéco m’a même dit : « Avec un col fermé comme ça, vous avez peu de risques d’accoucher prématurément ». Je crois qu’il s’était un peu avancé !

Deux semaines avant la naissance, mon fils de 3 ans a attrapé un virus grippal : 40°C de fièvre et une semaine pour se remettre.

Mon homme a bien sûr enchaîné juste après, puis moi. C’est dur de passer à travers quand on joue les garde-malades. J’étais crevée, mais avec seulement 38°C de fièvre, je n’étais pas assez malade pour apitoyer mon médecin. Il ne m’a donné que deux jours d’arrêt maladie. Je suis alors à 7 mois et une semaine de grossesse. Mon congé maternité commence deux semaines après. Je suis à bout.

Je ne sais pas aujourd’hui si c’est la fièvre, la fatigue ou le fait d’avoir toussé énormément, mais 4 jours plus tard, je me lève pour aller travailler, quand je perds du liquide amniotique. On ne se pose pas de question.

Mon mari dépose notre fils à l’école et nous voilà partis pour la maternité.

Le gynéco m’examine, fait le test du « coton tige » et m’annonce que ce n’est pas du liquide amniotique et que le col est toujours bien fermé. Fausse alerte ! Retour à la maison.

Pourtant le soir même, ça recommence. Je perds de l’eau par intermittence. Petit coup de fil aux sages-femmes : « C’est sûrement normal, juste des pertes abondantes. Si vous avez un doute, venez nous voir demain matin. »

A trois heures du matin, je suis réveillée par une contraction, puis une deuxième et ainsi de suite.

A quatre heures, mon homme doit partir travailler. Il me demande si je préfère qu’il reste, mais je lui réponds que ça va probablement passer. Je finis par chronométrer le temps entre chaque contraction : 7 min et c’est très régulier. A 7h du matin, elles arrivent toutes les 5 min. Je me rends compte que je n’en peux plus. Je décide d’appeler un ami pour m’aider. On dépose mon fils en urgence chez sa nounou et il m’emmène à la clinique. Mon mari nous rejoint sur place.

Après examen, cette fois il n’y a pas de doute, le travail a commencé : le col s’est modifié et je perds bien du liquide amniotique. On m’annonce que dans 48h au plus tard j’aurai accouché.

Seulement c’est trop tôt. Je suis à 34 semaines d’aménorrhée, à 1 mois et 3 semaines du terme.

Je sais que les risques sont moins importants à ce stade, mais il y en a. Si les poumons ne sont pas matures, ma fille peut ne pas réussir à respirer toute seule. Pour compenser cela, on me fait une injection destinée à accélérer la maturation des poumons, et on va donc essayer de stopper ou ralentir les contractions. Pour que le produit fonctionne correctement, il faut une deuxième injection 24h après. L’idéal est donc que je tienne 48h avant d’accoucher.

Qu’est-ce qui se passe dans ma tête à ce moment là ? A quoi est-ce que je pensais ? Et bien, je pensais aux risques pour le bébé, je me suis dit que ça pourrait être pire. Ce ne sera pas une grande prématurée. J’essayais de me rassurer. Et puis je crois que ce qu’on s’est dit surtout, et mon homme pourrait confirmer, c’est : « on est pas prêts » ! La chambre n’est pas prête, on a pas assez de pyjamas, de bodies … Bref, petite panique ! Bon, on se calme, elle ne va pas sortir tout de suite de la maternité, on a le temps. C’est bête, mais on a aussi pensé au côté matériel, à ce qui nous manquait pour l’accueillir.

Quelques heures après, les contractions sont toujours là, plus intenses.

Puisque les cachets ne font pas effet, la sage-femme me pose une perfusion. Mais là encore, ça ne fonctionne pas. Nouvel examen : « Madame, votre col est à 4, vous allez accoucher ce soir. On vous descend en salle d’accouchement ».

Cette fois nous y sommes. Je suis presque soulagée. La douleur est devenue très forte. Les contractions deviennent difficiles à supporter. Il faut dire que ça fait plus de 12h que j’en ai. Mon corps fatigue. L’anesthésiste vient me poser la péridurale. J’attends le soulagement. Ca ne fait pas effet. J’ai droit à une deuxième dose et enfin la souffrance se dissipe. Je peux me détendre. Le seul point positif de cette douleur, c’est qu’étant occupée à la supporter, je n’ai pas eu le temps de trop réfléchir ou d’avoir peur.

L’accouchement débute.

Tout se passe bien, l’équipe qui m’entoure est sympathique. La péridurale est bien dosée et me permet de ressentir ce qui se passe. Après quatre contractions où je pousse de toutes mes forces et de tout mon cœur, te voilà petite Zélie. Pas le temps de retenir mon souffle que tu testes le tien : tu pleures, tu respires. C’est tout ce que l’on te demandait et tu l’as fait. Petite crevette de 2,270kg pour 44cm, tu cries et tu es pleine de vie. On te pose sur moi quelques secondes ou minutes, je ne sais plus, et nous faisons connaissance, mais pas trop longtemps. Tu es fragile. Papa te suit quand on t’emmène pour tes premiers soins. Une pédiatre est présente, au cas où … heureusement tout va bien. On te ramène à moi pour un dernier câlin, puis je te dis à bientôt. Tu pars pour le service de néonatologie. Je sais qu’on va prendre soin de toi là-bas. On m’explique que tu seras placée en couveuse et qu’on va te surveiller. Je n’en sais pas plus, mais je suis confiante. Tu es déjà forte et tu viens de nous le prouver.

Les heures suivantes défilent.

C’est étrange. Lors de mon premier accouchement, j’avais mon fils avec moi, je me suis sentie maman tout de suite. Là c’est différent. Tout s’est passé tellement vite. Je sais que je viens d’avoir une fille, et en même temps je ne me sens pas encore maman. Elle est loin, comme une idée abstraite. Je le sais, mais je ne le ressens pas. Il n’y a pas eu ce contact nécessaire pour établir le lien. Je n’ai pas eu le temps d’apprendre à te connaître et à t’aimer.

Je suis une maman vide, sans son enfant.

témoignage de prématurité

Chapitre 2 – Néonatalogie

La nuit se passe. Ton papa est rentré dormir à la maison. Ce n’est qu’en fin de matinée qu’on me propose de m’emmener te voir. Je n’osais pas demander. Le service de néonatologie est quatre étages en-dessous. Je découvre alors ce lieu où tu vas passer de nombreux jours. On me montre ton incubateur (ta couveuse). Tu es si petite. L’équipe est très accueillante. Valérie est la soignante qui s’occupe de toi. Elle m’explique que tout va bien, que la couveuse est à 35°C. On surveille les battements de ton cœur, ta respiration et ta saturation en oxygène grâce à des capteurs. On t’a aussi placé une sonde, un petit tuyau qui va jusqu’à ton estomac, pour pouvoir te nourrir. On te donne du lait toutes les trois heures par le biais d’une pompe. (J’ai choisi de ne pas t’allaiter.) Nous, tes parents, avons le droit de venir te voir autant que nous le voulons, 24h/24. C’est difficile de te voir comme ça. Tu a l’air si fragile. Mais tu sembles détendue. Et il faut rester forts. De temps en temps retentit l’alarme d’un appareil de surveillance, quand un bébé s’agite. On s’y habitue, ça va devenir notre quotidien pendant plusieurs jours.

On repasse te voir avec le papa l’après-midi et là, grande joie, je peux avoir mon premier peau à peau avec toi. Un pur moment de bonheur. J’aurais voulu que ça dure encore et encore. C’est le vrai premier contact que nous avons depuis ta naissance. Nous apprenons à nous connaître et je commence à me sentir maman à nouveau.

Nous revenons le lendemain aux heures où l’on te nourrit, pour te faire un câlin à ce moment là. 9h, 12h, 15h, 18h … Le 4ème jour, je te donne ton bain pour la première fois. Ca aussi c’est un moment important. Jusque là je ne m’étais pas encore occupée de toi. Cette fois, je te savonne, je te baigne, je te sèche … comme une « vraie » maman. Ce sont des gestes simples, mais qui prennent tout leur sens ici. Ce jour-là, je te voie aussi habillée pour la première fois : tu dois descendre voir le pédiatre. Dans la couveuse tu ne portes qu’une couche. Là tu es en pyjama, comme un « vrai » bébé. Je dit « vrai » dans le sens de « normal », comme un bébé qui serait né à terme. Parce que c’est cela qui nous manque, la normalité, le quotidien avec toi.

Comme tu digères bien, au bout de quelques jours, tu n’es plus nourrie par une pompe, mais à la seringue, directement dans la sonde.

On commence aussi à te donner quelques millilitres de lait par la bouche. Et ça te plaît ! Tu en voudrais plus, mais il faut être patient. Ton petit estomac doit apprendre à s’adapter. De jour en jour, tu évolues. La température de la couveuse est baissée. Tu n’as pas de problème, il faut juste que les choses se fassent en douceur. Et quand je voie les autres bébés autour de toi, arrivés parfois 1 mois avant toi, je me dis que pour toi, ça va vite. Si tout va bien, plus que quelques jours et tu seras avec moi.

Le 7ème jour, tu peux enfin sortir définitivement de l’incubateur.

Tu es maintenant dans un berceau. Quelle joie ! Tu restes encore en néonatalogie, mais tu n’as plus tes électrodes, juste un petit capteur au pied. Chaque jour voit son changement. Tu augmentes ta quantité de lait bu avec le biberon. Il ne reste plus qu’à te libérer de ta sonde et tu pourras remonter avec moi. Deux jours après, c’est fait ! Et quelle surprise, Hakima, une de tes soignantes, te monte dans ma chambre pour l’après-midi. C’est aussi l’étonnement pour ton grand frère et tes grands-parents qui étaient venus nous voir.

Le 10ème jour, le moment que nous attendions depuis le début est enfin arrivé, tu quittes définitivement le service de néonatalogie et tu remontes dans ma chambre.

Je me sens enfin complète. Nous passons encore deux nuits ensemble à la maternité. Tout est parfait, tu digères toujours aussi bien. Toute la frustration, toute l’impatience que j’avais pu ressentir pendant ces 10 jours s’envole. Me lever la nuit, être fatiguée, je n’attendais que ça ! Et le 12ème jour, enfin, nous rentrons à la maison avec papa, après avoir dit au revoir et merci à toute l’équipe. Je n’ai pas peur. Je suis confiante et heureuse.

Aujourd’hui, tu as deux mois et demi. Tu es en pleine forme. J’ai eu droit à mon premier areuh ce matin. Bien sûr tu commences seulement à t’éveiller et à faire tes premiers sourires, comme si tu n’avais qu’un mois. Mais je sais que tu vas vite évoluer, comme tu l’as si bien fait pendant tes premiers jours. Je ne suis pas inquiète pour l’avenir. Tu as ta vie devant toi et je suis persuadée qu’elle sera belle.

 

Merci à Maman est au musée pour ce magnifique témoignage. Si vous voulez apporter le vôtre, un ptit mail à mamanbavarde(at)gmail.com.

20 Commentaires

  • Maman louzou 21 mai 2012 à 7 h 31 min

    Merci pour ce beau témoignage !!! Ça remue les tripes tout cela.
    Je suis étonnée que la maman soit restée 12 jours à l’hôpital ??? En tout cas c’est formidable pour la relation avec Zélie , enfin plus simple je pense que quand la maman rentre au bout de 5 jours. Bon courage pour l’avenir qui s’annonce bien meilleure.

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    • Maman est au Musée 21 mai 2012 à 8 h 05 min

      Merci ! C’est vrai, j’ai moi-même été étonnée de pouvoir rester aussi longtemps. Mais ça a été une chance pour nous : j’habite à 40km de la maternité. Plusieurs allers et retours dans une même journée n’auraient pas été possibles.

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      • mamanbavarde 24 mai 2012 à 13 h 49 min

        rho oui, ç’aurait été l’angoisse…

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  • Melly 21 mai 2012 à 9 h 42 min

    Beaucoup d’emotions en lisant cet article. Ta puce est une battante et c’est sur elle aura une superbe vie 🙂

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    • Maman est au Musée 21 mai 2012 à 19 h 15 min

      Merci Melly 🙂

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  • Cat à Strophes 21 mai 2012 à 13 h 43 min

    Merci pour ce témoignage, magnifique

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    • Maman est au Musée 21 mai 2012 à 19 h 15 min

      Merci à toi. Ça fait plaisir.

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  • Vlynette 21 mai 2012 à 18 h 14 min

    Un témoignage émouvant sur les premiers jours d’une petite fille qui sait se battre, c’est évident !!! Et quel ravissant prénom 🙂

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    • Maman est au Musée 21 mai 2012 à 19 h 17 min

      Merci ! Oui c’est notre petite battante ! On a craqué sur ce prénom au tout début de la grossesse et on n’a pas trouvé mieux. 🙂

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      • mamanbavarde 24 mai 2012 à 13 h 50 min

        Vlynette dit ça, parce que je voulais appeler le Niaf Zélie 🙂 (mais je te l’ai déjà dit!!!)

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        • Maman est au Musée 29 mai 2012 à 12 h 40 min

          Oui, c’est presque une Niafette notre puce ! ^^

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          • mamanbavarde 29 mai 2012 à 12 h 42 min

            Carrément 🙂

  • Madame Moustick 21 mai 2012 à 21 h 08 min

    Quelle battante cette petite ! C’est un très beau récit.

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    • Maman est au Musée 23 mai 2012 à 18 h 59 min

      Merci Madame Moustick 🙂

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  • Maman est au Musée 23 mai 2012 à 19 h 00 min

    Et merci à toi Cynthia d’avoir publié mon récit. J’espère qu’il contribuera à faire connaître la Marche des Bébés ! 🙂

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    • mamanbavarde 24 mai 2012 à 13 h 51 min

      Un immense merci à toi aussi…tous ces témoignages sont magnifiques et montrent à chaque fois, la même determination des bébés, la même force, le même espoir…
      Je suis plus que ravie d’avoir lancé cette rubrique 🙂

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      • Maman est au Musée 27 mai 2012 à 12 h 57 min

        ♥♥♥

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  • MamanChat 3 juin 2012 à 22 h 18 min

    Je découvre de beaux textes sur ton blog, j’aime beaucoup.
    Je ne me suis jamais posée la question réellement, serait-il possible qu’un jour j’ai un bébé préma ? Cette idée me fait peur et je préfère ne pas y penser.

    Un très beau témoignage. Merci Maman est au musée.

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    • mamanbavarde 3 juin 2012 à 22 h 29 min

      🙂 Demain, le prochain témoignage 🙂
      Moi, j’y ai pensé un peu,quand ma grossesse a été déclarée à risques. Mais ensuite, j’ai dépassé la date fatidique sans encombres..

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  • Batmax 9 juin 2012 à 7 h 46 min

    Beau témoignage, bien écrit, merci.
    Par contre le médecin qui donne deux jours de congé pour une grippe à 7 mois de grossesse je suis un peu oO quand même.

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